L’indifférence et la vertu : Pyrrhon d’après Cicéron

Résumé

Lorsque Cicéron mentionne Pyrrhon, il insiste sur deux dimensions supposées de son enseignement philosophique : l’indifférence et la vertu. En mentionnant ce philosophe oublié et dont il juge sévèrement la doctrine, Cicéron le présente toujours comme la manifestation la plus outrée d’une position philosophique consistant à nier toute différence parmi les choses intermédiaires entre la vertu et le vice. Presque toujours associé aux autres indifférentistes (Ariston et Erillus), Pyrrhon incarne à l’excès une forme d’indifférence apathique, incompatible avec la vie pratique et ne pouvant être défendue de façon pérenne dans l’arène philosophique. Cette description présente toutefois une originalité notable : si l’indifférence des choses à laquelle doit répondre l’indifférence du philosophe est un thème bien connu de la philosophie des premiers pyrrhoniens, l’idée que Pyrrhon défendait l’honestas (jusqu’à l’outrance) ne se trouve que chez Cicéron. Le but de cette étude est d’analyser cette singularité des mentions cicéroniennes de Pyrrhon à la lumière des doxographies dont Cicéron hérite et en analysant les modifications qu’il y opère. Elle doit montrer que cette originalité s’explique par le fait que l’épouvantail pyrrhonien occupe une place stratégique majeure dans une critique de l’indifférentisme visant, à terme, les stoïciens et tous ceux qui s’approcheraient de l’atrocitas qu’ils semblent prôner.